« J’étais malade et vous êtes venus me visiter »
Frère Philippe-Néri est depuis un an aumônier du centre de rééducation de Kerpape (près de Lorient) qui reçoit notamment des grands accidentés de la vie. Il témoigne de sa mission.

Pour moi, être aumônier de cette maison, c’est essayer de répondre à la demande du Christ : « J’étais malade et vous êtes venus me visiter » (Mt 25, 36). Kerpape, c’est un petit coin de paradis au bord de l’océan, face à l’île de Groix : les grands pins et la pelouse forment un espace merveilleux. Certains ont la force pour s’y rendre, d’autres le regardent de leur fenêtre, d’autres enfin ne peuvent plus tourner leur tête pour voir.
Kerpape est un centre de rééducation et de réadaptation fonctionnelle. La spécialité de l’établissement : le handicap moteur surtout. Il y a des personnes victimes d’AVC, atteintes souvent dans leur mobilité leur leur langage et qui adultes ont un parcours semblale à celui des enfants en réapprenant à marcher à parler. On croise ainsi dans les couloir beaucoup de fauteuils roulants souvent électriques. Cela peut être des accidentés de la route, du travail. Parfois ce sont les énigmatiques « accidents de personnes » de la SNCF qu’on rencontre concrêtement avec leur visage des forces des questions et dont les blessures du corps ne sont qu’une part de leur fardeau . Pour tous Il s’agit d’apprivoiser son corps qui ne répond plus totalement, de le conquérir de l’adopter de l’accepter et enfin de l’aimer, dans sa fragilité même. C’est un combat du corps c’est un combat de l’âme. Il y a là des grands brûlés qui par leur dignité leur grandeur d’âme nous font regarder bien au delà de leur blessures. Pour moi, il s’agit de continuer de proposer dans ce lieu une présence chrétienne, établir un dialogue, parfois difficile, avec des personnes qui pour certaines ne peuvent s’exprimer qu’avec leur regard.


Une vie nouvelle qui commence pour Florian qui a été greffé d’un coeur : il participe à la messe quand il entend la parole de Dieu dans Ezéchiel : « Je vous donnerai un coeur nouveau ». Cette parole le touche. On en rit simplement.
Au bord de la mer : très beau cadre. Parfois, quand il n’y a plus rien à dire, on peut regarder dehors.
Je suis impressionné par tout ce que fait la Grâce dans les coeurs. Acceptation, apaisement, expérience de l’essentiel par rapport à ce qui est futile. Découverte humaine importante : l’essentiel peut être aussi dans ce qui est fragile.
J’entends assez souvent cette phrase : « Je ne peux pas me plaindre, il y a pire que moi ». Il est vrai que voir la misère de l’autre évite de se replier sur ses propres souffrances.
Je visite également un foyer de personnes traumatisées du crâne qui habitent ensemble.

A Noël pour donner la communion, ne sachant pas si Cindy* (hémiplégique) pouvait déglutir, je l’entends dire avec humour : « J’Peux pas faire grand chose… mais J’Peux communier ».
J’essaie de constituer une équipe de visiteurs pour que chaque patient qui le veut puisse recevoir une visite de l’Eglise : écoute, rencontre, prière, sacrements. Chaque semaine une messe est célébrée.
Je rends grâce pour cette mission.
